Nestor Ivanovič Mahno est un anarchiste ukrainien né à Gouliaj-Pole le 27 octobre 1889 et mort à Paris le 25 juillet 1934.
De l'enfance aux premiers combats
Fils d'anciens serfs, la petite enfance de Mahno, dont le père meurt alors qu'il n'a que 11 mois, est marquée par une grande misère. Dès 10 ans il doit quitter l'école pour travailler et aider sa famille dans le besoin. Conscient de l'injustice dont il est victime, il ne comprendra réellement la lutte que menait ses ancêtres, les Cosaques de Zaporižžja, pour la liberté, que le jour où, à 13 ans, ne supportant plus de voir un garçon d'écurie se faire rouer de coups par les jeunes maîtres, il court chercher de l'aide auprès du premier garçon d'écurie, Batko Ivan, qui se rue sur les deux hommes. Tous les employés demandent alors leur compte auprès du vieux propriétaire qui prend peur. Cette première révolte marque profondément le jeune Mahno.
En 1906, période de grande répression tsariste, il fait la connaissance de paysans anarchistes de Gouliaj-Pole. Ce groupe de paysans communistes libertaires édite et distribue des tracts, répond par l'action directe à la terreur gouvernementale, au travers notamment d'expropriations. A l'instar des autres anarchistes de l'Empire russe, ils ont décrété la « Terreur noire » contre le tsarisme. Suite aux attentats avortés du groupe de Gouliaj-Pole (contre le gouverneur de la province puis contre la filiale locale de l'Ohrana) Nestor Mahno est arrêté avec 13 de ses camarades. Il échappera à la peine de mort en raison de son jeune âge, et ne sortira de prison qu'à la révolution, neuf ans plus tard. En prison il découvrira l'Entraide de Pëtr Kropotkin, fera la connaissance de Pëtr Aršinov, et, témoin de l'attitude servile des intellectuels envers les gardes-chiourmes, cessera de croire en l'honnêteté révolutionnaire des hommes politiques.
Après sa libération, il retourne à Gouliaj-Pole, sa ville natale, où il se heurte aux anarchistes locaux qui ne connaissent comme moyen d'action que la propagande. Mahno décide donc de créer une Union des Paysans (29 mars 1917) qui deviendra dans la même année un soviet. Comme une traînée de poudre, l'initiative se répand chez les ouvriers et les paysans de toute la région. C'est le retour des expropriations, de la collectivisation des terres, des usines et des ateliers. Cette période verra également la naissance de Communes reposant sur le volontarisme, l'égalité, la solidarité et l'autogestion de certaines manufactures. Elu à la présidence du comité communal, Nestor Mahno y investira le plus clair de son temps, partageant les principes d'égalité et de fraternité prônés par le conseil du Soviet.
Le 6 janvier 1918 l'Assemblée Constituante est dissoute, la situation est si confuse que les armées austro-allemandes en profitent pour pénètrer en Russie et menacer le régime bolchévique. Le 3 mars 1918 c'est l'accord de Brest-Litovsk par lequel Lenin accepte le démantèlement de l'ex-Empire russe. L'Ukraine, sous protectorat austro-allemand, est de nouveau confronté aux exactions commises par le retour des allemands et des propriétaires terriens. Des insurgés se soulèvent et un bataillon composé de volontaires de Gouliaj-Pole se forme pour venir en aide à la ville d'Alexandrovsk et lutter contre l'occupation militaire. Les troupes allemandes en profitent pour occuper Gouliaj-Pole. Rendez-vous est donc pris avec Mahno à Taganrog. Certains auront pour mission de rendre compte des difficultés que la Russie révolutionnaire affronte, d'autres de préparer l'organisation clandestine des révolutionnaires. Mahno part pour Moscou où il y rencontre des théoriciens anarchistes qu'il trouve particulièrement passifs et Lenin, avec lequel il discute de la situation en Ukraine. De retour dans sa région natale, il se démène pour réveiller l'esprit de révolte et préparer le soulèvement contre les oppresseurs. Septembre 1918 voit donc la naissance de la fameuse « Mahnovščina » et de ses drapeaux noirs. En moins de 3 mois, les mahnovistes ont libéré une importante partie de l'Ukraine orientale. Les troupes d'occupation vaincues, ils auront bientôt à lutter contre un nouvel ennemi : le général Anton Ivanovič Denikin et ses troupes.
Les blancs, les rouges, la Mahnovščina
En 1917, une armée des Volontaires, constituée essentiellement d'officiers nationalistes, voulut se porter garante d'une Assemblée constituante élue par le peuple. Suite à la dissolution de l'Assemblée par Lenin, en janvier 1918, les Volontaires déclarèrent la guerre aux bolcheviques. Portant un ruban blanc pour se distinguer de leurs ennemis, ils seront dès lors appelés les "blancs". Les différentes factions blanches se retrouveront bientôt sous le commandement unique du général Denikin.
Devant la menace que représentent les troupes de Denikin, Lenin et Trockij créent une nouvelle armée (« Armée rouge des Ouvriers et des Paysans »), composée d'un nombre important de Polonais, Chinois, anciens prisonniers de guerre hongrois, serbes, allemands, et anciens officiers tsaristes, tandis que la plupart des soldats russes sont recrutés de force, le régime de Lenin étant desservi par sa politique agraire et ouvrière.
Mahno et ses troupes se soulèvent immédiatement contre les « blancs », mais hésitent à se battre aux côtés des rouges. Cependant, suite à la dispersion du soviet d'Ekatrinoslav (capitale régionale) et à l'arrestation de six bolcheviks par les petljuriens (armée de Simon Petljura, président du Directoire ukrainien), Mahno accepte d'intervenir. Non seulement par solidarité pour la révolution mais dans l'espoir aussi de s'emparer de l'arsenal de la ville. Le 27 décembre 1918 les mahnovistes attaquent la garnison. Les petljuriens se retranchent dans la ville où des combats de rue vont durer plusieurs jours. Jours pendant lesquels les rouges tentent de s'accaparer le pouvoir local. Mais Mahno, qui comprend rapidement le but de leurs manoeuvres, les chasse. Dès lors, les rouges n'assument plus leur rôle d'alliés. L'expédition est un échec cuisant pour les mahnovistes.
La population, fuyant devant l'armée des blancs qui pillent, violent et fusillent, cherche à rejoindre Gouliaj-Pole, centre de l'insurrection. Des centaines de paysans viennent grossir les troupes mahnovistes qui se reforment rapidement. Mais les armées de Denikin ne cessent de progresser, il faut donc agir au plus vite, aussi le 26 janvier un accord entre rouges et mahnovistes est signé. En échange d'approvisionnement et d'armes, les mahnovistes acceptent de devenir la « 3ème brigade du Dnepr », partie intégrante de l'Armée rouge. Malgré cet accord, les bolcheviks, inquiets du nombre croissant d'anarchistes et de socialistes révolutionnaires au sein des troupes de Mahno, ne distribueront des armes aux insurgés mahnovistes qu'au compte-gouttes. Ils abandonneront d'ailleurs bientôt l'Ukraine pour renforcer la défense de Moscou que l'offensive de Denikin menace dangereusement.
Mahno mena la lutte jusqu'en 1919, contre les forces blanches et les troupes d'occupation allemande et autrichienne. Puis, les mahnovistes, déclarés hors-la-loi par les bolcheviks, prirent les armes contre les rouges. En août 1920, Mahno est blessé lors d'un combat contre l'armée bolchevique. Craignant pour sa vie, le Conseil décide de lui faire quitter l'Ukraine. D'abord en Roumanie puis en Pologne il est accusé d'activité terroriste contre l'Ukraine. Il se rendra donc à Gdańsk où, de nouveau, il sera détenu. Grâce à un petit groupe d'anarchistes locaux il s'évadera pour rejoindre Paris où il mourra le 25 juillet 1934, laissant ses récits d'Ukraine inachevés.
Les prétendues exactions
D'après certaines sources, du 26 octobre au 5 décembre 1919, ses troupes pillèrent, violèrent et tuèrent de nombreux pacifistes mennonites en Ukraine. Le massacre d'Eichenfeld, par exemple, se solda en deux jours par la mort de 136 vieillards, hommes, femmes et enfants. Cependant, l'écrivain Fritz Senn dans sa nouvelle Panta Rhei présente les mennonites comme des propriétaires terriens pouvant être suffisamment avides pour bénéficier sans remords des avantages de l'esclavage. Il serait intéressant de mieux connaître les rapports des Mennonites au pouvoir, le rôle qu'ils ont tenu lors de la guerre civile russe pour permettre, dans l'une des périodes les plus obscures de l'histoire de la Russie, d'y voir un peu plus clair.
Source : Wikipedia (tout). Précisons que les mennonites sont des chrétiens protestants, donc, de dangereux fous de Dieu.
Mahno est une des trois personnes que j'admire le plus ; les deux autres sont Louise Michel et Ernesto « Che » Guevara. (Ceux qui viennent après sont des génies : Évariste Gallois, Albert Einstein, Euclide, Carl-Friedrich Gauss en premiers.)
La Mahnovščina a inspiré une chanson à Étienne Roda-Gil :
Mahnovsčina, Mahnovsčina,
Tes drapeaux sont noirs dans le vent...
|:Ils sont noirs de notre peine,
Ils sont rouges de notre sang.: |
Par les monts et par les plaines,
Dans la neige et dans le vent,
|:À travers toute l'Ukraine
Se levaient nos partisans.: |
Au printemps, les traités de Lenin
Ont livré l'Ukraine au Allemands...
|:À l'automne, la Mahnovsčina
Les avaien jetés au vent.: |
Mahnovsčina, Mahnovsčina
Armée noire de nos partisans
|:Qui combattait en Ukraine
COntre les rouges et les blancs.: |
L'armée blanche de Denikin
Est entrée en Ukraine en chantant...
|:Mais bientôt, la Mahnovsčina
L'a dispersée dans le vent.: |
Mahnovsčina, Mahnovsčina
Armée noire de nos partisans
|:Qui voulait chasser d'Ukraine
À jamais tous les tyrans.: |
Mahnovsčina, Mahnovsčina,
Tes drapeaux sont noirs dans le vent...
|:Ils sont noirs de notre peine,
Ils sont rouges de notre sang.: |
Elle est chantée par Serge Utgé-Royo, chanteur d'origine catalane, dans ses « Contrechants... de ma mémoire » (Volume 1).